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Pourquoi avoir démissionné

04 mars 2015
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Jean-Baptiste
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Pourquoi avoir démissionné

J'ai déjà écrit un article intitulé Démissionner de l'Éducation Nationale. Même si j'ai été tout à fait honnête dans ce papier, par peur de manquer d'objectivité, j'ai été beaucoup trop mesuré dans mes propos et je n'ai pas dit l'essentiel. C'est la raison pour laquelle j'y reviens à nouveau pour clore cette série du Petit Journal d'un Prof de musique.

Oui, c'est vrai, j'ai bien eu un grave problème de cordes vocales qui m'a laissé la voix fatiguée et m'a privé d'un atout très précieux dans mon boulot. C'est important et ça a joué dans la décision.
Oui, je trouvais les programmes de musique (et je les trouve encore) atrocement mal fichus, rigides, peu enclins à développer la musique dans les classes et déconnectés des réalités. Ça ne rendait pas le travail plus agréable, c'est certain.
Il est vrai que j'étais aussi très heureux de pouvoir être mon propre patron, de pouvoir organiser mes journées à ma guise et de pouvoir dire que j'avais créé mon travail de mes propres mains.
Mais pourquoi quitter un emploi pas trop fatigant (surtout à 15 heures), avec un salaire intéressant et assuré jusqu'à la retraite pour me lancer dans une création de société si c'est pour avoir des horaires beaucoup plus chargés, avec une partie administrative importante (malheureusement) et un salaire fluctuant, sans même parler des risques d'échec ? Et pourquoi je ne le regrette pas même si la partie pédagogie me manque bien souvent ?

Une gestion inhumaine

Parce qu'être prof, en France, c'est être tout au bas d'une échelle de décision imperméable et inhumaine, dans laquelle les grands comme les petits n'ont pas vraiment le droit de s'exprimer. L'élève, de son côté, doit se conformer à ce qui a été prévu pour lui, indépendamment de ses centres d'intérêt et de son caractère, ce qui est cause de tant d'échecs. L'enseignant, de son côté, se retrouve avec tous les inconvénients d'un travail de cadre à responsabilité, sans en avoir les avantages : s'il veut bien faire son travail, il ne compte pas ses heures à la maison mais ne sera pas rémunéré ou récompensé en conséquence. J'ai vu trop de jeunes professeurs se démener pour faire des choses extraordinaires dans et hors de la classe (j'en ai fait partie), sans aucune réelle récompense, devant le regard vide des plus anciens, déjà hors classe (c'est à dire payés au maximum de ce qu'ils pouvaient être), qui avaient oublié qu'eux-aussi, il y a très longtemps, avaient eu envie de faire des choses bien. Je passe les cas particuliers où le professeur qui veut trop faire les choses bien ne s'attire que la jalousie et les foudres des collègues. J'ai vu trop de professeurs de musique en déprime, certains en dépression grave, pour ne plus avoir été capables de trouver leur place dans ce système. J'en ai remplacé et côtoyé un grand nombre. La seule façon de s'en sortir pour eux n'était pas de redevenir le prof extraordinaire qu'ils avaient été mais, au contraire, de se détacher complètement du travail, de ne plus y attacher autant d'importance ; en d'autres termes, d'en faire le minimum et de trouver des moyens d'épanouissement en dehors du collège.

Travailler dans le stress

Et je ne leur jette pas la pierre. Mais comment en sont-ils arrivés là ? Je n'ai pas forcément LA réponse à cette question mais j'ai remarqué, en douze ans de carrière, qu'il était très difficile de s'épanouir dans le métier de professeur. Bien sûr, les conditions de travail ne sont pas toujours idéales mais ce n'est pas ça. Je l'ai vécu également : lorsqu'on est dans des conditions difficiles et que l'on nous dit : "Faites votre possible. Si un enfant a du mal à rester plus de 10 minutes assis sur sa chaise, y parvenir sera déjà bien. Telle classe n'a pas les bases, prenez le temps qu'il faut pour qu'ils les retrouvent, vous avancerez plus tard.", on est beaucoup plus détendu et il n'y a pas culpabilisation (ce qui n'empêche pas d'être crevé le soir et de se souhaiter des conditions de travail plus confortables). À l'inverse, et ceci tout à fait indépendamment du niveau des élèves ou de l'aspect comportemental, lorsque de toutes parts (les programmes, la hiérarchie et malheureusement les collègues), tout tourne autour de "les élèves devraient savoir faire ceci, les élèves devraient connaître cela, tu ne devrais pas avoir de problèmes de discipline dans ta classe", une tension se crée et le professeur n'arrive plus à prendre les élèves comme ils sont. Il en découle un stress important pour tout le monde.

Oui, c'est là la raison pour laquelle je n'ai pas tenu à rester professeur. J'avais l'impression de me battre contre des moulins à vent. Après des semaines et des semaines à tenter de redonner confiance à un élève, tout pouvait être détruit par des appréciations désastreuses et culpabilisantes sur les bulletins. Je pèse mes mots : c'est tout un système de destruction de la personnalité de l'élève qui a fini par me rendre malade ! Nous avons d'un côté des profs qui rentrent tous dans le métier avec l'envie de faire des choses formidables, de l'autre côté des élèves qui rentrent en primaire avec les yeux qui pétillent (puis souvent au collège avec un regard plein de méfiance), et ça ne fonctionne pas. Pourquoi ? Les parents ? Les moyens accordés ? Les notes ? Le temps de travail ? Combien de temps continuera-t-on à accuser le voisin ou à mettre du mercurochrome sur une jambe de bois pour ne pas avoir à se poser les vraies questions ?

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Utilisateur N°1Jeanne le 2023-02-26 à 02h43

Je rajouterais :
- aucune évolution possible dans le métier : obtenir par exemple un poste en lycée relève du parcours du combattant.
- Le nombre élevé d'élèves : autour de 500 par prof par semaine.
- la chorale comme support de la fête de fin d'année au collège: une horreur à gérer, un cauchemar.
- et surtout : moins on en fait, moins on s'expose aux critiques...pour le même salaire...


Utilisateur N°2Webmaster le 2019-02-07 à 11h12

Eh bien n'hésite pas à poser des questions.

Utilisateur N°3Brethore le 2019-02-07 à 10h32

Et bien ... Après toute cette lecture, je cherche encore et toujours des réponses ...
Je suis étudiant en 3ème année de Licence de Musicologie à Tours, je me prépare à tenter le CAPES l'année prochaine.
Cela fait un moment que j'ai découvert ce blog, et je me suis dit, suite à un manque de motivation depuis quelques mois (peut être à cause de l'hiver, ou des cours sur la musique du XXème siècle et Boulez ...) je me devais de remettre mon choix en question et de me renseigner.
Votre article m'a beaucoup ouvert les yeux, et tous ces commentaires me font me demandé si il peut encore y avoir de l'avenir dans ce métier !
J'ai soif de projets avec des élèves, mais j'ai aussi beaucoup d'activités à côté et j'ai peur de vite me réfugier dans ces activités et d'être déprimé de ce métier ...
Merci de tous ces articles très interessant !

Utilisateur N°4ED. MUSE le 2015-03-31 à 11h57

Les stylos, c'était une anecdote en passant. Toutefois, je ne trouve pour ma part pas sérieux de faire croire aux élèves que tout est musique (d'ailleurs, le terme est de plus en plus souvent remplacé par celui de "son", c'est peut-être révélateur) et que tout peut être considéré comme un instrument de musique. Notre matière n'a jamais bénéficié d'une grande considération, mais je ne crois pas qu'on redore son blason avec ce genre d'activités. A croire que certains ont intérêt à scier la branche sur laquelle ils sont assis. Il faudrait au contraire faire de vrais cours d'éducation musicale, avec de l'apport de connaissances, des leçons à apprendre, une initiation au langage musical, quelques notions de notation musicale, un travail rigoureux de commentaire d'écoute débouchant sur l'apprentissage de notions plutôt que de privilégier "l'approche par compétences" qui n'a d'autre but que de satisfaire aux diktats de l'OCDE qui veut des cours "rentables" avec le moins de culture classique possible. Avec les "compétences", "tâches complexes", "projets", c'est tout le jargon de l'entreprise qui entre dans l'Education nationale et s'introduit dans l'éducation musicale qui devrait être l'occasion d'un accès gratuit à la beauté, à l'art et à ses expressions et pas un prétexte pour développer des "compétences" sous la forme de gestes stéréotypés. On s'achemine vers la mort des enseignements disciplinaires au profit du transversal (cf. les futurs EPI, resucée des anciens IDD chronophages et inutiles, heures prises au détriment des enseignements fondamentaux et des cours). En français, plus de leçons d'orthographe ni de grammaire, mais sans connaissances rudimentaires, les élèves doivent concevoir des textes selon des critères précis avec pour résultat du charabia. En histoire-géo, si un élève fait un exposé sur une période ou un événement, ce n'est que le prétexte à utiliser le numérique et montrer qu'il sait faire un beau power-point ("compétence" utile en conseil d'administration d'entreprise) etc. J'ai l'impression que les professeurs se laissent entraîner et ne se rendent compte de rien. Si on aime sa matière, on aime transmettre des connaissances au sujet de celle-ci, c'est à ça que sert un professeur (et qu'on ne me dise pas : "Oui mais le savoir, aujourd'hui, il est sur internet". Cela c'est confondre "accessibilité" du savoir et "acquisition" du savoir. Il y aurait long à dire et je ne veut pas m'étendre plus que de raison sur le sujet, d'autant que le pavé que je viens d'écrire est un peu fourre-tout !

Utilisateur N°5Webmaster le 2015-03-31 à 11h40

@ED. MUSE. Je suis ravi que chacun puisse s'exprimer. Face à ce témoignage si pessimiste j'aimerais en savoir plus. Qu'est-ce qui vous ennuie dans l'utilisation de stylos comme instrument de musique ?

Utilisateur N°6ED. MUSE le 2015-03-31 à 11h19

L'éducation musicale au collège n'a de toute façon aucun avenir à long terme, il ne faut pas se leurrer... et il ne faudra pas compter sur les IPR pour nous sauver. La consultation sur les nouveaux programmes est pour bientôt. Parions que les contenus seront encore allégés (ils sont déjà pour ainsi dire inexistants) et que les élèves sortiront en fin de 3è après 4 ans de cours hebdomadaires d'éducation musicale aussi incultes dans ce domaine qu'à leur entrée en 6è.
Tiens, il parait que les stylos sont devenus des instruments de musique. Ne connaissant pas cette nouvelle innovation pédagogologique, j'ai tapé "pen-tapping" sur un moteur de recherche. J'en reste sans voix. Je pensais naïvement qu'après le cup-song et le beat boxing, nous avions touché le fond et qu'il n'était plus possible d'inventer de nouvelles "activités" grotesques destinées à achever de discréditer la musique et l'éducation musicale... mais c'était sans compter sur la capacité d'imagination des pédago-cuistres. Jean-Sébastien Bach, Mozart, Debussy se retournent souvent dans leur tombe depuis quelques années... Ce n'est pas grave, continuons de tenter de croire et de faire croire aux élèves qu'ils "font de la musique" avec ces pitreries même pas dignes de l'école maternelle. L'opinion publique sera mûre quand on l'informera d'ici 10 ans au plus tard que l'éducation musicale ne fait plus partie des enseignements dispensés au collège.

Utilisateur N°7ml le 2015-03-22 à 23h24

Merci pour ce bel article
j ai été contractuellle pendant 10 ans avant moi aussi de quitter et reprendre un emploi complètement différent.
Remplaçant les professeurs épuisés j avais de mon côté la chance de gérer mes cours comme je voulais. J ai appris les élèves a jouer de la guitare. A connaître les notes d un clavier a leur apprendre un semblant de solfège mais surtout en évitant de le dire al inspecteur car surtout ne pas parler aux eleves de notes de musique. .je travaillais aussi avec mes collègues prof d histiire ou de français illustrant musicalement un thème. Je faisais des analyses de chansons d aujourd'hui pour expliquer une analyse d un morceau de musique classique. A chaque époque musicale nous apprenions un compositeur Un écrivain une découverte scientifique et un personnage politique. A la récréation quelques élèves me retrouvaient pour jouer ensemble .chacun avec son instrument perso. Une fois par semaine l chorale. Pas grand chose à voir avec le programme. ...Mii aussi he me battais contre des moulins.

Utilisateur N°8petitmoi le 2015-03-16 à 17h50

"c'est être tout au bas d'une échelle de décision imperméable et inhumaine, dans laquelle les grands comme les petits n'ont pas vraiment le droit de s'exprimer. L'élève, de son côté, doit se conformer à ce qui a été prévu pour lui, indépendamment de ses centres d'intérêt et de son caractère, ce qui est cause de tant d'échecs.(...) À l'inverse, et ceci tout à fait indépendamment du niveau des élèves ou de l'aspect comportemental, lorsque de toutes parts (les programmes, la hiérarchie et malheureusement les collègues), tout tourne autour de "les élèves devraient savoir faire ceci, les élèves devraient connaître cela, tu ne devrais pas avoir de problèmes de discipline dans ta classe" Après des semaines et des semaines à tenter de redonner confiance à un élève, tout pouvait être détruit par des appréciations désastreuses et culpabilisantes sur les bulletins. Je pèse mes mots : c'est tout un système de destruction de la personnalité de l'élève qui a fini par me rendre malade !"

Vous devriez vous renseigner sur les école Steiner. L'art y trouve une place très importante ( par exemple à Bâle, en suisse, 4h30 d'art ou artisanat en plus de 45 minutes de chant ,1h30 d'orchestre (chacun son instrument comme ça tout le monde est contant !) et 1h30 d'eurithmie (si vous ne connaissez pas aller voir sur internet). soit un total de 8h15 par semaine !)
Le programme est beaucoup plus souple, le but principal est surtout de donner des bases solides à l'élève dans tous les domaines et de le mener au bac.
La personnalité de chaque élève est prise en compte et les horaires sont beaucoup moins chargés, par exemple un élève de première, l'équivalant du CP, n'orra que 1h45 de cours par jour du lundi au vendredi.
Les élèves ne sont pas noté jusqu'en sixième et la encore la note est à titre indicatif et ne figure pas sur le bultin qui ne comporte que des appréciations.
L'ambiance y est bien meilleure, les professeurs se respectent et les élèves et les élèves et respectent les professeurs. La relation prof/élève est plus amical et en même temps (beaucoup) plus respectueuse. Un truc qui peut paraître tout bête mais qui me semble très important est la poignée de main échangé entre les élèves et le professeur au début et à la fin du cour.
Tout cela a pour résultat que les élèves et les professeurs ont plaisir à venir à l'école.
Renseignez-vous vu votre article ses écoles pourraient parfaitement vous convenir. Il existe plusieurs formation pour pouvoir y enseigner (car oui, tenez vous bien, pour devenir prof là-bas il faut aussi étudier la pédagogie ! (un truc de ouf j'vous dit ! )) la plupart dure un an et une se fait pendant les weekends, je crois qu'elle dure plus d'un an.

Amicalement
Petitmoi

Utilisateur N°9jardinier le 2015-03-15 à 18h56

Il faut parfois faire ce qui semble mieux, même si cela peut être vu comme une fuite, chapeau a vous.

Utilisateur N°10simami le 2015-03-15 à 19h10

Bonjour, j'ai été enseignant aussi en Belgique. Je comprends tout-à-fait votre propos. Et même si la situation doit être un peu différente en France qu’en Belgique, les enseignants ont à peu près le même ressentiment : une très grande passion vis-à-vis de la fonction et une grande ambition vis-à-vis des élèves mais cette passion est ternie par un système qui vous charge d’amertume.

Ingénieur de formation, j’ai enseigné diverses matières scientifiques et techniques dans différents établissements. J’ai vraiment ‘adoré’ ce métier et m’y suis investi à fond. Le ‘retour’ des élèves est la meilleure récompense que j’en garde mais comme la plupart des enseignants, j’ai quitté ma fonction, dégoûté par un système qui décide en dehors de toute connaissance de cause.

Je me suis investi bénévolement dans la modélisation informatique des machines du laboratoire d’électronique et d’électricité de l’école. Cela m’a pris des semaines. Le but était d’ouvrir les élèves aux nouvelles technologies en utilisant le matériel existant, d’une part de façon classique et d’autre part suivant des modèles informatiques adaptés au matériel du labo. Je me souviens, à la journée porte ouverte à la fin de l’année, les élèves effectuaient des mesures sur les machines, introduisaient les résultats dans un ordinateur et les courbes étaient rétro-projetées sur un écran. Cela pour la plus grande satisfaction des élèves, de leurs parents, de la direction de l’école et de moi-même évidemment. L’année suivante, n’étant pas nommé, j’ai perdu ma place car l’état avait désigné un autre professeur qui avait 17 jours d’ancienneté en plus que moi. J’ai arrêté l’enseignement mais il m’arrive dans ma fonction actuelle de donner des formations et je retrouve la même ardeur qu’avant mais en dehors du système scolaire.
Veuillez excuser la longueur de mon commentaire mais je pense qu’il illustre bien la frustration des enseignants dans le système scolaire.

André Minet

Utilisateur N°11monikath le 2015-03-13 à 22h05

Bonjour, j'étais touchée par votre article, j'ai une autre expérience de prof de musique ( en Suisse) dans de bonnes conditions
( collègues , programme , directeurs , projets ) dans des écoles primaires réputées "chaudes" Tous les efforts on les fait volontiers quand il y a un retour positif des projets motivants. quand on peut donner de son énergie en se sentant soutenu et quand on voit le bienfait de la musique sur tous les plans sur les élèves . J'ai toujours travaillé à temps partiel, en ayant des élèves privés en dehors et en faisant de la musique pour moi . Avec un peu de temps quand même pour ma famille !!! Mais il est vrai que les politiques font volontiers des coupes budgétaire pour des branches dites secondaires et il faut continuellement se battre pour rendre visible l'importance des arts en général et da la musique en particulier. Viva la musica, malgré tout...

Utilisateur N°12Webmaster le 2015-03-13 à 23h04

Merci à tous pour vos témoignages tous différents et bonne chance à tous, que vous ayez choisi de rester prof ou non !

Utilisateur N°1Anne-Claire le 2015-03-13 à 21h19

Bonsoir,
je viens de lire cet article. Prof en collège depuis 28 ans, je suis à mi-temps depuis 2 ans... par choix; pour créer mon entreprise "à côté" de mon poste de prof en collège. Je n'ai pas eu la force (pour ma famille, le salaire...) de démissionner; et j'ai retrouvé un peu de force pour reprendre le travail de prof de musique en collège après un burn-out il y a deux ans. Oui, tout ce qui est décrit dans cet article, c'est bien la véritable vie des enseignants d'éducation musicale. Oui, j'ai été une super prof qui en fait beaucoup, beaucoup, pour que ses élèves soient heureux et progressent. Oui, j'ai voulu en faire toujours plus... toujours mieux... et oui, je n'ai rencontré que des murs entre moi et les programmes, les directives ministérielles, les carcans horaires... des murs entre les élèves et leur désir de vivre la musique. Des bulletins assassins qui brisaient la petite confiance en soi qui avait été gagnée en osant chanter, par exemple... Alors, oui, j'ai fait un burn-out. Un vrai: ne même plus savoir ce qu'implique concrètement le mot "enseigner" et donc... ne pas pouvoir le faire. Je retourne à mon collège, 2 jours et demie par semaine. Je retrouve les jeunes avec plaisir car je les apprécie (bien plus que mes collègues)... mais je n'enseigne plus pareil. C'est vrai. J'y vais; je fais "ce qui va bien", et je repars. Le "système" scolaire français a cassé cette précieuse "motivation" qui m'animait. Oui, je tiens; j'y arrive... uniquement parce qu'à côté de cela, je créé, je fabrique, je dévelppe mon entreprise comme artisan. Voilà... on en est donc (quasiment) au même point. En j'imagine que nous ne sommes pas seuls. Il y a peut-être un problème, non?

Utilisateur N°2André le 2015-03-13 à 20h05

Bonjour Jean-Baptiste,

J'ai été touché par la lecture de votre message. J'ai enseigné pendant plus de 25 ans auprès de jeunes en milieu défavorisé. Par la duite, j'ai été gestionnaire (directeur) en formation professionnelle.

Je suis au Québec. Pourtant, j'ai vécu la même chose. J'étais titulaire de classe dans des écoles traditionnelles mais c'était plus fort que moi, je finissais toujours par l'enseignement par projet, la musique et les arts y tenant une place importante. Mon travail a souvent suscité de la jalousie et de l'incompréhension.

Cependant, toutes mes blessures ont été apaisées, quinze ans plus tard, quand j'ai été invité à une fête surprise par un classe d'anciens élèves. La fête s'est terminée le lendemain après-midi. Des parents s'étaient joints à nous pour préparer un petit déjeuner.

Durant la nuit, j'ai reçu plein de confidences sans aucun rapport avec ce que "j'ai dit" comme enseignant mais plutôt avec ce que "j'étais". 30 ans plus tard, je suis toujours en contact avec certains d'entre eux et je me considère privilégié de ce retour. C'est le drame de plusieurs enseignants. Les jeunes peuvent difficilement exprimer leur appréciation avant d'avoir vécu plusieurs années.

On ne soupçonne pas les traces qu'on laisse derrière soi. La musique peut "amuser" mais elle peut aussi "éveiller". Votre texte m'a rappelé le très beau livre de Marc Vella "Éloge de la fausse note" (Éd. Le jour). Une très belle réflexion de ce pianiste virtuose à propos de l'accueil de la musique en Éducation. C'est comme si c'est vous qui teniez la plume. Bon courage et toutes mes félicitations de rester fidèle à vous-même.

Utilisateur N°3Korrigan777 le 2015-03-13 à 17h55

Je vous comprends
J'ai éré médecin scolaire, j'en ai vu des profs déprimés!
Bon courage pour la suite , il n'est jamais facile de refaire une vie
Musicalement vôtre
Korrigan777

Utilisateur N°4pounsand le 2015-03-10 à 22h10

et bien, je me sens moins seule :) je n'ai pas démissionné de mon boulot de prof des écoles, mais je n'ai pas enseigné depuis 5 ans. J'ai arrêté pendant ma grossesse, pris 3 ans de congé parental, et maintenant je suis en disponibilité jusqu'aux 8 ans de mon petit garçon. Je ne voulais pas retourner travailler dans les conditions que vous décrivez si bien et qui font partie du quotidien également des enseignants de l'école primaire... actuellement, je suis nounou, je fais 50 heures par semaine, j'ai beaucoup moins de vacances, je suis moins bien payée, mais..... je vis sereinement, fini le stress, les désillusions, les heures de prép, les réunions, l'angoisse du lundi, l'angoisse des rentrées, l'angoisse de ne pas avoir un poste, l'angoisse d'avoir un poste, la fatigue et ces fausses vacances où on tente de récupérer un peu d'énergie... Dans 4 ans, je devrai prendre une décision, démissionner ou y retourner, mais je crois que je sais déjà que je n'y retournerai pas :) Je vais être assistante maternelle, prendre mes mercredis et monter des projets musicaux.... que je proposerai aux écoles du coin, je me sens libre :))
Bonne continuation à vous,
Sandrine

Utilisateur N°5yriviere le 2015-03-10 à 18h15

Tout à fait vrai !! je note l'expression " se battre contre des moulins à vent " C'est malheureusement la triste réalité !
les enseignants sont découragés , et souvent ils déclarent "forfait " , les parents sont exigeants !
Seul point positif , les enfants sont passionnants quand on arrive à les intéresser et on arrive à rester motivés !!
Bon courage à ceux qui enseignent encore , moi j'ai arrêté depuis 6 ans et j'ai fait ensuite du bénévolat ( musique ) en maternelle et primaire ! là , c'était extraordinaire car je n'avais plus mes "supérieurs hiérarchiques " , et mes anciens collègues participaient à mes interventions
Cordialement
Yveline ( ancienne enseignante )

Utilisateur N°6mayabis le 2015-03-07 à 17h46

mal au cœur ... ça fait mal au cœur ... mais je comprends O combien
vous avez quitté l'enseignement .. j'en connais que l'enseignement a quitté ...
et vos petits élèves ? abandonnés ... moi je n'ai pas pu ... c'est présomptueux je sais, et destructeur ...
et puis tout le monde n'a pas le talent de faire au lieu d'enseigner ! (if you can't do ... Teach !)
bon , tant pis pour jules ferry et tant mieux pour nous
Continuez et merci.
jacques andré

Utilisateur N°7Webmaster le 2015-03-05 à 23h06

La prise de conscience est douloureuse...

Utilisateur N°8Mireille le 2015-03-05 à 21h51

Je comprends tout à fait tes propos et je ressens la même chose concernant le "système de destruction de l'élève" car dès le primaire, j'en vois se fermer entre leur 5 ans et leur 10 ans, c'est malheureux à dire.

Utilisateur N°9quitterlecole le 2015-03-04 à 17h32

Je suis contente de voir que la parole se libère, il y aurait beaucoup à dire...élèves en souffrance ça se sait, profs en souffrance, ça se tait. C'est grâce à des parcours comme le tien que les gens ouvrent un peu les yeux soit sur leur propre vécu douloureux et peuvent alors envisager un autre avenir, soit sur le travail du prof de leur enfant et se rendent compte qu'enseigner en France n'est pas facile du tout.
Bonne continuation à toi dans le stress diminué! ;)