Les canons de Mozart et leurs surprises
19 août 2015
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Jean-Baptiste
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Wolfgang Amadeus Mozart nous a laissé deux ou trois dizaines de canons à 3, 4 voix ou plus, composés pour la majorité au milieu et à la fin des années 1780 (la majorité date de l'année 1788). Ils ont souvent été composés dans le contexte d'une soirée entre amis musiciens. Une feuille de portée, une plume, l'idée d'un texte et le canon pouvait naître sous les doigts du génie de la musique en quelques minutes à peine pour être interprété immédiatement dans la foulée par les amis en présence. Si les sujets sont parfois religieux, ils tournent vite au grivois, voire au scatologique...
Les canons grivois
Ces canons ne comportent aucune difficulté d'interprétation (c'est pour ça qu'ils sont formidables pour toutes les chorales classiques ou amateurs). Sur le sujet du bonheur et de l'amitié,
Lasst froh uns sein, que l'on traduira par "Réjouissons-nous, soyons heureux", parfait pour une fin de soirée entre amis, autant que le canon
Auf das Wohl aller Freunde, "Pour la santé de tous les amis".
Le vin est célébré par les canons
Wo der perlende Wein,
Essen, trinken,
Où l'on me verse du bon vin.
Ce dernier, en langue française, est seulement "attribué à Mozart" (ce que j'aurais tendance à appuyer) car aucun manuscrit n'a été retrouvé. Nous savons que le compositeur maniait parfaitement les langues allemande, française, anglaise et italienne, sans parler du latin (au moins le latin d'église).
À ceci, on peut rajouter une série de canons, dont l'original a pour titre
O du eselhafter Peierl, "Peierl, tu n'es qu'un bœuf", qui sera également proposé avec les prénoms Martin et Jakob. Ce canon est peut-être le plus célèbre car il a été traduit en français par
Figaro et également
C'est Martin qui bat Martine.
Les canons scatologiques
Difficile lectu mihi mars
Ce canon d'apparence sobre, utilisant une fausse langue latine cache en fait, dernière les mots "lectu mihi mars", le texte au sens tout à fait différent : "Leck du mich im Arsch", qui signifie ni plus ni moins "Lèche-moi le cul" ! Étonnant ? Un peu moins pour qui s'est un peu plongé dans la correspondance de Mozart. À sa cousine Maria Anna Thekla Mozart, alors qu'ils sont pourtant pourtant tous les deux d'âge adulte, il pouvait utiliser des mots aussi cru que "caca", "merde", "chier", "cul"... sans vergogne. Et c'est tout naturellement que l'on retrouve cette prose dans les pièces les plus légères, qui n'avaient aucunement pour but de rapporter un revenu.
Téléchargez le canon de Mozart Difficile Lectu
Bona Nox
Bona nox !
Bist a rechta Ox ;
Bona notte,
Liebe Lotte,
Bonne nuit,
Pfui, pfui ;
Good night, good night,
Heut müss ma noch weit ;
Gute Nacht, gute Nacht,
Scheiss ins Bett, dass' kracht ;
Gute Nacht,
Schlaf fei g'sund und
Reck' den Arsch zum Mund.
Ce canon, mêlant différentes langues (latin, allemand, français, anglais et italien) va encore plus loin, le texte n'étant pas le moins du monde dissimulé. Sa traduction :
Bonne nuit [en latin]
Tu n'es qu'un bœuf.
Bonne nuit [en italien]
Chère Lotte,
Bonne nuit, [en français dans le texte]
Pfff, Pfff,
Bonne nuit, bonne nuit [en anglais]
Il nous reste fort à faire aujourd'hui
Bonne nuit, bonne nuit,
Chie dans ton lit et que ça explose,
Bonne nuit, dors bien,
Et fourre ton cul dans ta bouche.
Téléchargez le canon de Mozart Bona Nox
Cru, n'est-ce pas ? N'oublions pas que l'auteur de ce texte est resté un enfant toute sa vie. Sa correspondance le montre bien d'ailleurs. Il y fait montre d'une jalousie extrême envers sa sœur, puis envers ses concurrents compositeurs, il garde la place du bon fils dans les lettres envoyées à son père et utilise un vocabulaire de petit enfant avec sa cousine. Mais qui a dit que la musique c'était sérieux ?
Retrouvez tous ces canons et d'autres encore sur la page des
canons de Mozart.